Je me démonte ! Hyperlaxité, comment la gérer ?

 Commençons par le début : Qu'est ce que l'hyperlaxité ?

 

C'est une hyper-mobilité des articulations et une hyper-élasticité des tissus périarticulaires (capsule articulaire, ligaments, tendons et muscles qui entourent l'articulation).

En pratique cela confère une grande souplesse naturelle des articulations, tout en les rendant plus fragiles. 

L'hyperlaxité n'est pas une maladie. On peut plutôt la considérer comme une particularité morphologique. Au même titre que l'on peut être grand ou petit en taille, on est plus ou moins laxe ou raide. Environ 1 personne sur 10 est considérée comme hyperlaxe, majoritairement chez les femmes. 

L'hyperlaxité peut être congénitale (c'est à dire qu'elle est présente depuis la naissance), mais peut aussi s'acquérir avec la pratique précoce de certains sports à haut niveau comme la gymnastique ou la danse, ou lors de blessures tel qu'une grosse entorse qui peut endommager un ligament.

Elle peut être généralisée, ou ne toucher que certaines articulations.

Dans la grande majorité des cas, elle est isolée, sans aucune gravité. Mais il arrive parfois qu'elle soit un des symptômes d'une pathologie génétique tel que la maladie de Marphan, la trisomie 21 ou le syndrome d'Ehlers Danlos.

 

 

Comment savoir si je suis hyperlaxe ?

 

C'est assez facile, on utilise en générale le score de Beighton associé à quelques questions.

score de Beighton : 

  • Possibilité d'amener son petit doigt au-delà de 90° – 1 point pour chaque main
  • Possibilité de toucher son avant bras avec son pouce – 1 point pour chaque pouce
  • Hyper-extension du coude au-delà de 10° – 1 point pour chaque coude
  • Hyper-extension du genou au-delà de 10° – 1 point pour chaque genou
  • Flexion du tronc vers l’avant avec les genoux complètement étendus de sorte que les paumes de main peuvent reposer à plat sur le sol – 1 point.

 shéma du test de Beighton

On obtient donc un score sur 9 points. Un enfant est hyperlaxe s'il obtient plus de 6/9, un adulte plus de 5/9, et une personne âgée plus de 4/9. (et oui même les hyperlaxes s'enraidissent en vieillissant)

A cela on peut rajouter quelques questions comme : Enfant vous amusiez vous à vous contorsionner ou à faire le grand écart ? Et demander s'il y a eu des entorses ou des luxations à répétition sur des traumatismes mineurs voir inexistants.


Quelles sont les conséquences de l'hyperlaxité ?


Je ne parlerais ici que de l'hyperlaxité bénigne, celle qui n'est pas liée à une maladie plus complexe (c'est aux médecins qu'il faut se référer dans ces cas, pour diagnostiquer et traiter tous les aspects de la maladie). 

La conséquence la plus évidente est une souplesse plus importante que la moyenne. Vous pouvez retournez vos doigts, ou bien faire le grand écart sans effort. Cela peut être utile dans certains sports comme la gym, la danse, le yoga...  Ou pour épater vos amis !

2ème grande conséquence (évidente pour celles et ceux qui l'ont vécu), une plus grande propension à se faire des entorses ou des luxations plus ou moins graves, sans traumatisme important.

En effet, une articulation hyperlaxe a une plus grande amplitude de mouvements, mais est également plus fragile, surtout dans les amplitudes extrêmes. Pour schématiser, tout ce qui est censé maintenir l'articulation à sa place est trop mou, trop élastique, du coup il suffit d'une force dérisoire pour la pousser au delà de ses limites physiologiques (= entorse ou luxation).

Rajoutons à cela que l'hyperlaxité provoque souvent un déficit de la proprioception qui est la capacité à savoir où se trouve son propre corps sans le voir. Si vous ne ressentez pas précisément où sont vos membres à chaque instant, vous aurez plus tendance à être maladroit-e, à vous cogner les orteils dans les coins de porte, ou à chuter.

Les blessures les plus fréquentes sont les entorses des chevilles et des genoux, ainsi que les luxations de la rotule article : luxation et sub luxation de la rotule et de la gléno-huméral (l'épaule). Pourquoi ? Parce que ce sont les articulations qui ont le plus de mobilité et donc le moins de stabilité, tout en subissant des contraintes mécaniques importantes. 

Enfin, l'hyperlaxité peut provoquer des douleurs chroniques, car les tissus articulaires et périarticulaires en souffrance peuvent s'inflammer facilement. On peut donc avoir plus facilement des douleurs articulaires, ou bien des tendinopathies par exemple.


Je suis hyperlaxe, que faire ?


La bonne question serait plutôt : Est ce que j'en souffre ? Ai-je des symptômes liés à mon hyperlaxité ?

Tant que la réponse est non, ne changez rien ! 

Par contre si vous souffrez de douleurs articulaires, de tendinopathies, de luxations ou d'entorses à répétition, alors il est temps d'agir !

Pour que l'hyperlaxité ne soit plus un problème il faut stabiliser les articulations. La meilleure solution  est de faire du renforcement musculaire et d'apprendre à bien connaitre et bien contrôler son corps.

En dernier recours, si les exercices ne suffisent pas, on peut stabiliser une articulation par la chirurgie. Cette méthode est surtout utilisée après un traumatisme, s'il y a besoin de réparer l'articulation.

 

Pourquoi une articulation est stable ? (ou pas !)

La congruence articulaire

Une articulation est la jonction entre plusieurs os, qui permet plus ou moins de mobilité. Le premier facteur qui fait qu'une articulation est stable ou instable c'est sa congruence articulaire. En clair, est ce que les 2 os s'emboitent bien l'un dans l'autre ou pas ?

 

shéma congruence articulaire coxo fémorale et gléno humérale

 

Pour l'articulation de la hanche on a une sphère qui s'emboite très profond dans le bassin. C'est une articulation très congruente, et donc très stable. Même chez les hyperlaxes, il faut un traumatisme très important (comme un accident de voiture) pour luxer une hanche.

Par contre pour l'épaule, on peut voir que c'est une sphère qui se pose sur une surface petite est quasi plane. La congruence est donc très faible, et la stabilité aussi. Par contre la mobilité est augmentée. C'est en partie pour cela que l'épaule à plus de liberté que la hanche.

 

Les éléments de maintient passifs

C'est ce qui augmente la stabilité de l'articulation sans nécessité d'une contraction musculaire. Cela comprend la capsule articulaire (une membrane qui entoure l'articulation), les cartilages, les  ménisques, et les ligaments (des fibres qui relient 2 os entre eux autour d'une articulation).

Ce sont ces élément là qui sont trop élastiques chez les personnes hyperlaxes. Les ligaments sont bien présents, mais ils ne jouent pas leur rôle avec beaucoup de conviction. Ils n'empêchent pas (ou peu) l'articulation d'aller au delà de son amplitude normale.


Le maintient actif

Ce sont les muscles ! Ils ont d'autant plus d'importance que l'articulation est peu congruente et que les éléments de maintient passifs sont mous ! Dans ce cas, ils sont le seul rempart efficace pour empêcher une entorse ou une luxation. D'où l'importance des exercices de renforcement et de contrôle !


Comment me renforcer pour que mes articulations deviennent stables ?


S'il y a eu une blessure récente, la meilleure option est de faire une bonne rééducation chez le kinésithérapeute. Si elle-s date-nt, ou que vous préférez vous débrouiller seul-e voici quelques clés de compréhension et d'exercices pratiques.

 

la notion de mobilité 

C'est la capacité à aller chercher une amplitude activement.  A distinguer de la souplesse, qui est la capacité à aller chercher une amplitude passivement.


position d'étirement  de la chaine postérieure allongé sur le dos
 

Faites le test à la maison : allongez vous sur le dos et passez une sangle sous votre pied (comme sur le schéma ci dessus). Tirez sur la sangle avec la jambe bien tendue pour amener votre pied le plus proche possible de vous. l'amplitude maximum que vous atteignez ainsi est votre souplesse. Puis lâchez la sangle, et tentez de maintenir votre jambe au même endroit le plus possible. Elle va naturellement s'éloigner un peu de vous, car votre force sans l'aide extérieure de la sangle ne suffit pas à maintenir votre jambe aussi proche de vous. Cette 2ème amplitude est votre mobilité.

En général, un hyperlaxe non entrainé aura une grande amplitude de souplesse naturellement, mais une amplitude de mobilité bien plus réduite puisque ces muscles ne sont pas assez forts. C'est là qu'est le risque ! Il y a toute une amplitude dans laquelle son corps peut aller si on l'y pousse par une force extérieure, mais où il ne peut rien contrôler avec ses muscles.

Le but est donc de renforcer les muscles de façon homogène en insistant particulièrement sur la force en fin d'amplitude. On ne se luxe pas l'épaule quand le bras est plié dans une position neutre proche du corps. Cela arrive quand le bras est tendu dans une amplitude articulaire importante ! Il faut donc renforcer dans ces amplitudes là !


shéma amplitudes mobilité souplesse, moyen de maintient passif ligament et actif musculaire



Le renforcement musculaire

On va donc faire du renforcement musculaire en général (comme du gainage, des squats, des pompes ....), puis spécifiquement du renforcement en fin d'amplitude.  (par exemple avec le bras tendu au dessus de la tête)

Le travail en fin d'amplitude pose plusieurs difficultés : 

  • Tout d'abord, au début du travail, il peut être anxiogène, voir douloureux. Il faut commencer dans des amplitudes bien maitrisées, puis petit à petit augmenter.
  • Ensuite, c'est souvent long et ingrat ! On a l'impression de faire beaucoup d'efforts pour un résultat minime. Mais ne lâchez rien ! Sans stabilité une articulation ne peut pas développer de la force sans risquer de vous blesser. C'est un long travail de fond, mais il est nécessaire !
  • Enfin, cela nécessite des exercices variés car il y a beaucoup d'amplitudes et de mouvements possibles, et ils sont un peu différents des exercices de musculation classiques. Donc a moins d'être un-e fin-e connaisseur-euse vous aurez besoin de l'aide de quelqu'un-e qui s'y connait (kiné, coach, ostéo, médecin du sport, entraineur...).

 

 Du travail tout en finesse

Pour que vos muscles puissent vous sauver, il ne suffit pas qu'ils soient forts. C'est une condition nécessaire mais non suffisante comme diraient les matheux.

Il faut qu'ils sentent finement lorsqu'une articulation va un peu trop loin, puis qu'ils réagissent vite et bien pour la remettre à sa place rapidement. Vous avez donc besoin de force évidemment, mais aussi d'une proprioception (capacité à savoir où est son corps dans l'espace) irréprochable, d'une bonne réactivité, et d'un contrôle musculaire fin (parce que si votre muscle provoque la luxation  au lieu de l'empêcher c'est un peu dommage ...).

On intégrera donc petit à petit des exercices qui demandent beaucoup de contrôle moteur. Par exemple, des exercices en équilibre sur un pied ou une main, ou avec un appui instable, où l'on l'on doit viser précisément une cible, bouger seulement une partie du corps, ou réaliser une tache complexe. 

Il faudra également veiller à bien contrôler l'articulation (et son corps de manière plus générale) dans toutes les amplitudes possibles. Il faudra à la fois des exercices d'isolation qui permettent de travailler très précisément un muscle, et des exercices généraux. Les exercices globaux vous apprennent à bouger dans l’espace de façon efficace, et l'isolation permet de repérer les maillons faibles. Les muscles qui galèrent, qui sont trop faibles, et qui provoquent une douleur ou une instabilité sur des mouvements globaux. Le travail de ces muscles faibles est difficile, puisque comme ils sont faibles justement, on aura toujours tendance à essayer de compenser avec d'autres muscles et à prendre de mauvaises habitudes. De plus, ce sont souvent des amplitudes dans lesquelles on ne se sent pas à l'aise : on peut avoir l'impression qu'on pourrait luxer l'articulation à tout moment. C'est là toute l'importance d'être bien accompagné, pour faire les bons gestes, avec la bonne progressivité pour être efficace et sans risquer de se blesser.


Enfin, il faudra travailler un peu d'explosivité, et un peu d'inattendu. Dans la vraie vie on ne sait pas ce qui arrive, on ne peut pas prévoir les faits et gestes de tout le monde. Il faut donc s'entrainer à réagir vite et bien. Par exemple, faire des sauts et des réceptions plus ou moins rapides ou complexes, rattraper un ballon plus ou moins lesté lancé par un tiers (pas nécessairement bien lancé ;) etc...

De plus, si votre but est le retour au sport, alors vos exercices devront se rapprocher de plus en plus des contraintes du sport que vous voulez faire.  C'est le seul moyen de préparer votre corps à la réalité du terrain. C'est d'autant plus important pour les sports très explosifs avec des reprises d'appuis rapides, des changements brusques de directions et des contacts (comme la plupart des sports collectifs). Bref, si vous êtes hyperlaxe et que vous voulez jouer au foot, au handball, basket, au rugby, vous devrez très (très) bien vous y préparer.


Petit résumé


L'hyperlaxité engendre une plus grande souplesse et une plus grande fragilité des articulations. Les hyperlaxes ont plus de chances de se faire des luxations ou des entorses, et cela peut favoriser des douleurs chroniques ou des tendinopathies par exemple.

Dans la plupart des cas, une activité physique bien adaptée peut régler les problèmes. Elle devra contenir : 

- Du gainage : c'est la base. Fait régulièrement cela vous évitera la majorité des problèmes pour la vie courante. J'ai bien conscience que ce n'est pas le plus fun, mais il y a beaucoup de façon de faire du gainage de façon ludique, efficace et rapide ! Pour en savoir plus là dessus jetez un œil à cet article : article 1000 et 1 gainages

- Des exercices de renforcement musculaire pour travailler la force, la précision, la conscience de son propre corps.

- Des exercices qui ciblent vos points faibles (une amplitude ou un muscle en particulier) à faire délicatement au début car ce sont souvent des mouvements de grandes amplitudes qui peuvent blesser s'ils sont fait trop fort et trop vite.

- Des exercices qui miment le sport auquel vous voulez jouer. L'évitement d'un mouvement dangereux pour vos articulations est une option possible pour la vie de tous les jours en faisant attention. Ça ne fonctionnera pas du tout pour le sport,  étant donné que ce qui se passe ne dépend pas que de vous, et que les contraintes sont plus importantes. La seule option viable, c'est renforcer spécifiquement les amplitudes dangereuses, et en avoir conscience, pour savoir les éviter volontairement.

- De la connaissance fine de soi : Se connaitre, c'est savoir quel mouvement est à risque pour soi, quel est son degré de fatigue, quelle activité, et à quelle intensité on peut y aller sans risque important, quel exercice nous fait du bien, ou du mal, et dans quelle conditions.

- De la régularité : Dans le corps rien n'est jamais acquis définitivement. Si vous arrêtez de faire les exercices qui vous font du bien, vous reviendrez petit à petit dans l'état dans lequel vous étiez avant de la faire ! Deux liens utiles si vous avez du mal à tenir dans la durée : article "Faire du sport d'accord mais je n'arrive jamais à m'y tenir longtemps" et article "Comment créer mon propre programme ?"


Tout cela prend beaucoup de temps et d'énergie, avancez à votre rythme. 

Sur ce, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bon courage !




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